Robert Mugabé est mort, les Sud-africains « l'ont tué »

 

Robert Mugabé, Zimbabwe

L'artisan de l'indépendance du Zimbabwe est décédé cette nuit à Singapour, à 95 ans. Robert Mugabé, président du ZANU (union nationale africaine du Zimbabwe, le parti créé en 1963), n'est plus ; sans doute vaincu par l'âge, onze ans de maquis et six années de prison, mais certainement par la détestation de ses ennemis et l'abandon de ses amis. Surtout, il n'aura pas survécu aux images révoltantes des Sud-africains noirs tuant et brûlant leurs semblables, tous Africains, dont 8 Zimbabwéens !

 

De tous les tombereaux de haine déversés sur lui, le pire et le plus injuste est le procès en spoliation des anciens fermiers rhodésiens blancs qui lui a été intenté. Pourtant, en arrivant au pouvoir en 1980, Robert Mugabé leur avait cependant accordé un délai de 5 ans pour céder volontairement un lopin de terre à leurs salariés noirs. En 1985, constatant que rien n'a bougé, il a encore donné un ultimatum de cinq années !

Au bout du compte, pour vaincre la résistance par inertie de ces colons blancs, il dût engager la réforme agraire promise par le parti … en 1990 (1).

Cette décision provoquera l'ire et le délire des milieux occidentaux, lesquels tissent un cordon sanitaire autour du pays, jusqu'à la chute du « dictateur », sanctions économiques et dénigrements médiatiques aidant.

 

La « mafia des médias » et « les politiciens mafieux », selon les définitions que Yona Friedman donne à ces concepts, auront atteint leur but (2). Mais à quel prix pour les Zimbabwéens ?

 

On oublie souvent un fait historique : sans Robert Mugabé et le ZANU, le parti sud-africain ANC (Congrès national africain) n'aurait pas vaincu l'apartheid et Nelson Mandela serait toujours en prison.

Depuis cette date, ceux qui hier encore vendait des armes aux Afrikaners, malgré l'embargo des Nations Unies – la France y a pris sa part – sont aujourd'hui les premiers à s'attribuer les mérites de cette libération, crachant au passage leur haine sur l'artisan principal de cette victoire.

Depuis le Shah d'Iran, en passant par le Zaïrois Mobutu ou le Libyen Kadhafi, le processus est toujours le même : d'abord on utilise, puis on instrumentalise, ensuite on dénigre et, à la fin, on finit par tuer.

 

Demain, les derniers clous du cercueil de Robert Mugabé seront plantés par les Noirs d'Afrique du sud, ses frères, ceux pour lesquels son pays aura consenti d'immenses sacrifices. L'ingratitude de ces derniers est le pire outrage que le libérateur de l'ancienne Rhodésie du nord aura subi.

 

Prosper INDO

Économiste,

Consultant international.

 

(1)   – A son époque, le président Lincoln prit le même engagement vis-à-vis des esclaves libres qui ont combattu pour la fédération des États-Unis d'Amérique, leur promettant quatre acres de terre et une mule pour viatique. Ces derniers attendent toujours et leurs descendants avec !

(2)   - Yona Friedman : Utopies réalisables ; Éditions de l’Éclat, Paris 2000.